Le premier site français sur Robert E. Howard

Accueil > Littérature > Conan le Texan

Conan le Texan

mardi 16 décembre 2008, par Argentium Thri’ile

Conan le Texan
Récit de Simon Sanahujas
Photographies de Gwenn Dubourthoumieu
Les Moutons Electriques
Grand format (21cm x 25cm) - 80 pages quadrichromie
Photographie de couverture : Gwenn Dubourthoumieu


Si l’actualité Howardienne, en cette fin d’année, est particulièrement chargée, Simon Sanahujas n’y est pas du tout étranger... et c’est tant mieux !
Car, après un voyage littéraire dans Les Nombreuses Vies de Conan, ce même Simon se propose de nous faire partager, en récit et en photos, son périple au Texas, sur les lieux qui sont au cœur de la genèse de Conan afin d’en percer les secrets les plus intimes. Vaste programme...

Mais, avant toute chose, attardons-nous quelques secondes sur le flacon qui nous promet l’ivresse du voyage.
Projet atypique dans une présentation atypique. En effet, l’ouvrage en question se présente sous un livre en in quatro d’écu au format italien. Ca fout le bordel sur les étagères mais c’est original. La reliure est aussi sans faille, bien coincée dans une couverture rigide recouverte de tissu noir sans fioriture que protège une jaquette arborant sur le devant une photo où apparaît uniquement sur fond de ciel bleu le panneau indicateur de la Black River. L’intérieur est à l’avenant avec un papier de très bonne qualité et des photos très bien reproduites.
Un sans-faute : soigné et sobre.
Toujours dans la présentation, si l’aspect extérieur est très sobre, on peut émettre une légère critique de forme quant à la maquette qui, très professionnelle, peut sembler - en tout cas pour moi - manquer un peu de sobriété et d’unité. Rien toutefois qui ne soit rebutant, ni ne fasse insulte au bon goût ou à la lisibilité.


Maintenant détaillé l’emballage, intéressons-nous au contenu.
Sur quatre-vingt pages, nous avons donc le récit d’un périple de près de 4 400 miles (soit plus de 6 500 kilomètres) sur les traces des lieux qui sont à l’origine de la saga du héros cimmérien ou qui ont une portée profonde sur son créateur, le tout abondamment illustré de photos et annoté de citations de Howard. Simon y décrit tout à la fois ces divers endroits dont Howard a parlé dans ses lettres, des impressions qu’ils ont pu imprimer dans son esprit, de ce qu’il a décelé dans chacun d’eux par rapport à ses souvenirs et sensations liées à la saga de Conan. Mais tout à la fois, et c’est ce qui est intéressant dans l’ouvrage, il nous narre la découverte de cet état hors norme et de ses habitants.
Car c’est là le grand secret de ce livre : le personnage principal n’est ni Conan, ni Howard. Tout tourne autour d’un personnage immense et coloré, parfois difficile à saisir, le Texas.
La patrie de Howard est décrite au travers des aléas d’un voyage dans un pays et une culture qui nous est à la fois proche, mais aussi assez méconnue et chargée de clichés. De façon assez simple, voire crue, et parfois assez amusante, le livre découvre l’état d’esprit dans lequel se retrouvent ces trois français, sur les traces d’un mythe qu’ils ne sont même pas sûr de trouver, qui rebondissent de découvertes fascinantes, drôles ou enthousiasmantes en galères improbables ou immenses déceptions. Par effet inverse, Simon ne manque pas de nous décrire aussi comment les Texans réagissent face à trois énergumènes venus d’outre-Atlantique, hirsutes au bout de trois semaines de voyages, qui expliquent qu’ils sont venu explorer les recoins les plus reculés et inconnus de leur contrée. Tout cet aspect est traité sans trop d’à-priori (on en décèle principalement sur la nourriture et sur le goût du gigantisme à l’américaine), et surtout avec sincérité et sans complaisance.

Et Conan, dans tout ça ?
Malgré tout, le Cimmérien n’est bas absent du tout des pages de cet opus et de nombreux détails écrits et photographiques viendront apporter un éclairage nouveau aux fans, tant sur le personnage que son créateur. Le passage par Peaster nous éclaire notamment sur ce qu’était la ville qui vit naître le tout jeune Bob tout autant que le passage par Cross Plains et la maison même où il termina ses jours est incontournable. Quant aux abords de Dark Valley Creek et aux collines de Fredericksburg, ils donnent une nouvelle dimension de cette Cimmérie dont ont rêvé les lecteurs du poème éponyme ou de The Phoenix on the Sword, tandis que la description des Carlsbad Caverns met en lumière l’enthousiasme de Howard lorsqu’il vint y jouer les touristes avec son ami Truett Vinson. Au passage, d’ailleurs, il faut saluer la véritablement magnifique photographie de Simon sur un bloc de granit, noyé dans les brumes au-dessus des collines.


Et au final, que penser de ce livre ? Peut-on en conseiller l’achat et à qui s’adresse-t-il ?
Pour aborder ce livre, probablement ne faut-il pas se faire de fausses idées dessus. Il s’agit essentiellement d’un récit de voyage. Les fans de Conan qui ne sont intéressés que par les aventures du héros et n’ont rien à faire de son auteur ou des ressorts de la création littéraire se sentiront assurément lésés. Il n’y a pas réellement de grande révélation sur le monde Hyborien ou sur le roi d’Aquilonie. Ceux qui attendent des révélations fracassantes sur Howard lui-même et sur sa vie devront aussi revoir leurs espoirs à la baisse. Les fans les plus chevronnés de Two-Gun Bob n’apprendront rien de vraiment nouveau mais pourront tout de même trouver un cadre et des images à mettre sur ce qu’ils savent de leur auteur favori.
Ce livre ravira pourtant le plus grand nombre en plongeant au cœur d’un pays fascinant qui seul aurait pu donner naissance à un auteur tel que Howard, seul aurait pu donner cette couleur si particulière à l’une des plus importantes saga d’Heroic Fantasy américaine. Il sait tout aussi bien se placer à mi-chemin entre ce que l’on peut percevoir de l’époque où Howard accoucha de son œuvre et la réalité quotidienne que l’on peut découvrir de nos jours. Il s’agit d’un point de vue sur le Texas, raconté avec beaucoup de vie et de couleur. Plus qu’un récit, ce livre est une invitation à aller voir cette lointaine contrée.

Au chapitre des critiques, on notera en premier lieu que les plus anglophobes pourront regretter que les citations de Howard soient restées en anglais. Bon, pourquoi pas...
Certains encore pourraient peut-être regretter ça et là une ou deux trivialités qu’il n’était peut-être pas utile de relever dans ce compte-rendu. Pour ma part personnel, le démarrage du livre avec la cigarette de Simon, écrasée devant l’aéroport en attendant l’arrivée de son ami photographe, m’a laissé un peu sceptique... mais c’est là plus une affaire de goût.
Par contre, s’il est une critique que tous s’accorderont à exprimer après avoir tourne la dernière page du livre, c’est bien qu’il laisse un petit arrière-goût de... PAS ASSEZ !
Quatre-vingt pages, c’est tellement peu quand le double, voir le triple, aurait été nécessaire pour pleinement satisfaire les fans. Certaines descriptions s’en trouveront ainsi malheureusement trop courtes au goût de certains. Il m’est personnellement apparu, entre autre, que la description de Fort McKavett aurait mérité d’être plus extensive. Mais, là où le fait est plus notable encore, c’est dans le nombre de photos. Qu’on ne s’y trompe pas, en l’état actuel, Conan le Texan fait la part belle aux photographies, qui sont d’ailleurs très bien reproduites. Mais le fan aurait probablement souhaité qu’elles soient plus nombreuses afin d’offrir un cadre plus large à l’imagination.

Alors, pour conclure, oui, ce livre vaut le coup de son achat. Très bien rédigé, avec des photos de qualité, il tient très agréablement ses promesses et sait captiver le lecteur, qu’il soit grand fan de Howard ou qu’il soit novice en la matière.