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Conan le barbare, le film (2ème partie)

vendredi 13 janvier 2006, par Simon Sanahujas

« Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. »

En 1982, quand Conan the Barbarian sort dans les salles obscures du monde entier, John Milius réalise l’un des premiers film d’Heroic-Fantasy, franchissant le premier pas qui allait porter ce genre des péplums à des films tel que Le Seigneur des Anneaux.

Comme pour les textes de Robert Howard dont le film s’inspire librement, « Conan le Barbare » est une œuvre qui fut longtemps dépréciée pour son apparente simplicité. C’est la malédiction qui pèse sur Howard et le personnage de Conan en particulier car, si l’œuvre de Howard commence à être reconnue à sa juste valeur (cf. Faeries n°5), il devrait en être de même pour ce film grandiose aux multiples qualités.

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Conan préparant ses armes...

Conan nous compte l’histoire d’un homme qui fait face à sa vie. Celle-ci est marquée par Thulsa Doom, prêtre Noir au regard hypnotique couleur d’émeraude superbement interprété par James Earl Jones (la voix de Darth Vader dans les V.O. de Star Wars), qui fait de lui un orphelin dès l’âge de 10 ans, le réduisant en esclavage pour, indirectement, le conduire sur la terre battue d’une arène de gladiateurs. Libéré par un maître compatissant (et rendu richissime grâce à l’argent de ses combats), Conan cesse de subir et peut enfin vivre de la manière qu’il l’entend. Voleur et aventurier comblé, le spectre de Thulsa Doom l’empêche de profiter pleinement de cette liberté. Conan se lance alors sur les traces de son nemesis pour en finir avec ses démons intérieurs.

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Milius sur le tournage

Le film est construit autour de quatre personnages. Conan tout d’abord, livré à lui-même encore jeune, à peine ébauché, en quête d’équilibre. Thulsa Doom, figure paternelle et clé de maturité pour Conan, détenteur du savoir et de l’expérience qui font défaut au héros. Subothaï, l’archer Hyrkanien sauvé par Conan, qui fait office de grand frère tout en menant son propre combat pour mériter la seconde vie que lui offre le héros. Et Valeria enfin, figure maternelle, protectrice, mais image aussi de la femme dont l’amour pourra tirer Conan du monde des morts, le protéger et le guider par delà son propre trépas.

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Une scène coupée, rétablie au montage des dernières éditions DVD

Vingt ans avant la maîtrise de l’image dont fit récemment preuve Peter Jackson, John Milius réalisait un film aux décors grandioses, aux costumes parfaits et aux ambiances superbes, basé sur des messages iconographiques. Impossible de les recenser tous ici, citons-en quelques uns tout de même, à titre d’exemple et pour laisser au spectateur le plaisir d’en découvrir par lui-même :
Une scène qui résume pratiquement la psychologie du film : celle où meurt la mère de Conan par la main de Thulsa Doom. La tête décapitée tombe aux pieds du jeune orphelin puis le corps de la mère s’affaisse doucement, laissant échapper la main de son fils. Le regard de la caméra semble voilé, saccadé, et la scène prends des allures de rêve. Le regard du jeune Conan ne se pose à aucun moment sur le cadavre de sa mère, mais reste fixé sur la main qu’elle a abandonnée. Car cette main, qui symbolise les ressources personnelles, est la seule chose sur laquelle peut encore compter Conan. Celui-ci avise ensuite Thulsa Doom et la trame du film est énoncée : un moyen (lui et rien d’autre) et un but (la mort de Thulsa Doom).

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Salutations avant de partir délivrer la princesse

Une autre scène fort intéressante est celle où Conan découvre son épée, juste après avoir été libéré, dans une tombe Atlante. Quand Conan sort du tumulus funéraire, il brise la chaîne encore accrochée à l’un de ses pieds avant de regarder la caméra, un salut adressé au spectateur signifiant qu’il est désormais véritablement libre car armé. Les loups qui étaient à ses trousses laissent échapper des glapissements et, superbe ellipse, la scène suivante montre le héros vêtu de peaux de bête...
Conan est un film qui nous emporte par son souffle épique. Que ce soit la superbe partition pour orchestre symphonique et chœurs de Basil Poledouris, ou des détails aussi simples que les courses perpétuelles des héros (leur vie est bien trop courte et intense pour qu’ils puissent se permettre de prendre le temps de marcher), tout est fait pour ne laisser aucun répit au spectateur.

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Arnold Schwarzenegger et Rafaella de Laurentiis

Notons aussi que ce film apportait une autre vision de la Fantasy, quelques années après le succès éclatant des écrits de Tolkien, en nous présentant des héros voleurs, montrés plusieurs fois en état d’ébriété et même drogués au Lotus Noir, dont l’argent est le but premier.
Pour finir, un parallèle non dénué d’intérêt est celui que l’on peut faire avec Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. En effet, le schéma narratif centré sur le personnage principal est fort similaire. Conan et le capitaine Willard ont un but lointain et vague (l’assassinat d’un homme) et les films commencent tous deux par la (re)découverte d’un monde ou d’un univers. Quand, après maintes péripéties, le héros arrive en vue de son but, il est fait prisonnier puis torturé. Réussissant à s’échapper il retourne affronter son bourreau, hésite à rejoindre cet homme plus expérimenté qui revêt la figure d’un père et se décide finalement à l’assassiner dans une orgie de sang (à la machette ou à l’épée, à multiples reprises). Les suivants du mort prêtent alors allégeance au héros, lequel se retrouve devant le choix de prendre la place laissée vacante. Après avoir rejeté cette possibilité, il s’en va pour un lieu indéfini. Quand on sait que John Milius a collaboré au scénario d’Apocalypse Now et que Oliver Stone (célèbre pour sa trilogie vietnamienne) a rédigé la première version de Conan, le doute n’est plus permis. Car la Fantasy, derrière ses atours merveilleux, est avant tout un genre qui traite de l’humain et de son cheminement psychologique. Et il y a finalement peu de différence entre un soldat arpentant les jungles du Vietnam et un Cimmérien foulant de ses sandales les royaumes de l’Age Hyborien...

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« Il va te tuer, il a vu les feux... »

Le film eut une bien piètre séquelle l’année suivante, Conan le destructeur, sous la direction de Richard Flecher (Les Vikings) sur laquelle il est inutile de s’étendre.

Extraits :

Découverte de l’épée atlante (Format QuickTime 16 Mo)

Attaque du repaire sous la Montagne du Pouvoir (Format QuickTime 8 Mo)

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