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Conan, de Marcus Nispel
vendredi 19 août 2011, par
Conan le barbare, de Marcus Nispel
Avec Jason Momoa, Rachel Nichols, Ron Perlman
2011
« Sache ô Prince, qu’entre l’avènement des fils d’Aryas et l’engloutissement de l’Atlantide, il fut un âge où le soutien gorge n’avait pas encore été inventé... »
Je m’attendais à un truc vraiment pas bon. Mais pas à ce point là. J’avais tenté de lire le premier scénario de Donnelly & Oppenheimer, mais n’avais pu dépasser la page 50 tant son contenu était stupide. L’apport de Sean Hood n’a pu qu’à peine relever le niveau.
Le film commence par une introduction bâclée représentant un parchemin animé accompagnant le fameux « Sache... » récité d’une voix monocorde par un type aussi motivé qu’un proctologue en fin de semaine. Vient ensuite une séquence nous parlant du royaume d’Acheron qui avait forgé un masque de pouvoir qui lui avait permis de réduire toute opposition. Mais les tribus du nord avait réussi à s’en emparer et à le briser, dispersant les fragments. La séquence suivante, démarrant par le plan d’un bébé dans le ventre de sa mère manquant de se prendre une lame aurait pu me faire changer d’avis. Malheureusement le travelling circulaire, autour de la maman agonisante au milieu du champ de bataille, techniquement raté, augure de tout le reste du film : figurants peu crédibles, jeu d’acteurs caricaturaux, dialogues ineptes, décors trop artificiels et surtout mal exploités, lumière de téléfilm... Je continue ?
Oui, je continue ! Ron Perlman incarne Corin, le père de Conan, qui va peiner à élever le petit trou du cul, qui ne trouve rien de mieux que de se retrouver au milieu d’un groupe de maraudeurs Picts au look sympa mais aux feulements de panthère (truc pratique dans Conan, les méchants sont moches et les gentils sont beaux. Tiens ça marchait aussi dans Solomon Kane ! ). Heureusement le petit Conan se les farcit facilement et rapporte les têtes à la maison.
Son papa étant forgeron, il assiste à la fabrication d’une superbe épée coulée dans un moule (même erreur que dans le film de Milius, dont il s’agit du remake) mais il n’est pas encore prêt pour en être digne. Trop impulsif, trop de colère en lui.
Les méchants arrivent (sans le plan avec l’éclaireur au centre et les cavaliers qui déferlent de chaque côté, dommage) et attaquent le village. La réalisation est tellement brouillon, que j’ai cru un moment que nos cimmériens étaient pris au milieu d’une bataille opposant deux autres partis. Mais pas du tout ! Les cimmériens se retrouvent tout d’un coup à cheval, ça part dans tous les sens, combats en cadre serré afin de pallier la pauvreté des chorégraphies, et on se retrouve dans la forge de Corin, prisonnier du chef des méchants. Incarné par Stephen Lang, à la performance déjà discutable dans Avatar, Khalar Zym, n’est pas le genre à rigoler mais plutôt le genre à torturer pour arriver à ses fins. Le jeune Conan se lance dans la mêlée mais est capturé à son tour. Pour faire simple, Ron Perlman meurt assez vite, peut toucher son chèque et se barrer tandis que Khalar Zym extermine tout le monde, sauf Conan qui passe pour mort.
Des années plus tard, on retrouve Conan, maintenant devenu un homme, jouant les Robins des bois avec un comparse incarné par l’acteur noir imposé par la censure américaine. Mais il n’a pas oublié Khalar Zym et quand celui-ci va croiser à nouveau sa route, ça va saigner...
Je pense qu’il ne faut pas dévoiler plus avant la trame complexe de cette œuvre qui enchaîne cliché sur cliché, mise en scène poussive et montage approximatif. Les scènes d’action vont s’enchaîner, avec à chaque fois le matte painting d’une nouvelle ville avec son nom inscrit au dessous, comme si tous ces lieux se trouvaient à peine à une journée de cheval l’un de l’autre.
Musicalement c’est le vide complet. Pas de thème, des notes prolongées aux cuivres, genre jeu vidéo. On est loin de Polédouris. A croire que Tyler Bates n’arrive à faire de la bonne musique que quand il copie les autres compositeurs comme il le fit pour « 300 ».
N’ayant pu voir le film en version originale il m’est difficile de juger de la performance de Jason Momoa. Son physique correspond plus à celui du Conan décrit par Howard, et c’est malheureusement le seul lien avec l’auteur texan qu’il soit possible de faire pour ce film. Mais finalement, l’acteur parait presque crédible au milieu des autres qui sont tous ridicules (Quand je repense au pauvre Stephen Lang et à Rose McGowann en sorcière sadique complètement cliché, dodelinant de la tête au milieu de leur mini palais aux allures de galion, tiré par des esclaves, j’ai vraiment pitié pour eux). Rachel Nichols est « mignonne », mais le script ne lui permet guère de s’exprimer.
Je passe sur les effets spéciaux, très inégaux suivants les sociétés qui les ont réalisés.
Les dialogues comme je l’ai mentionné plus haut sont insipides voire ridicules par moment. La VF est un outrage, la bande son quasi vide.
Je ne l’ai pas vu en relief, ce qui m’a épargné de payer un supplément pour ce nouvel artifice du cinéma américain destiné à pallier l’absence de scénarios.
Bref je m’étais rarement autant fait chier dans une salle.
Si Pathfinder, le précédent film de Nispel pouvait laisser penser, malgré des défauts, qu’un réalisateur efficace pouvait voir le jour et apporter une patte de sérieux à Conan, force est de constater que le film est un ratage complet.
Il y a presque 30 ans, je m’asseyais dans une salle de cinéma pour découvrir un guerrier animé par un sentiment de vengeance plus fort que la mort. Avec lui j’ai frémis au contact des écailles froides d’un serpent géant, j’ai souffert en poussant la roue de la douleur, mis le feu au bûcher qui a emporté ma promise et triomphé avec amertume de Thulsa Doom. Le cinéma est fait pour nous prendre aux tripes, nous faire vivre d’autres vies, et si le film de Milius empruntait peu à Howard, il en respectait l’esprit.
Mais il avait avant tout une vraie histoire à nous conter. Rien de cela ici.
Milius avait combattu les De Laurentiis pour ne pas faire de son film un nanar. Il a fait couper le plan de la tête de la mère de Conan tombée au sol et clignant des yeux. Nispel nous en montre une (celle d’un quelconque garde). Milius avait supprimé les scènes de combat gratuites contre des monstres, comme en haut de la Tour du Serpent. Le film de Nispel n’est qu’une suite de telles scènes. Tout est dit.
Certains espéraient peut-être que ce nouveau film allait pouvoir effacer celui de 1982 et porter l’image du Cimmérien vers des sommets du 7ème art, mettant ainsi en avant les histoires de Robert Howard. Je pense qu’il vaut mieux oublier au plus vite cette erreur de la nature qu’est le nouveau film de Nispel.
Mais surtout, surtout, n’allez pas le voir ! ne donnez pas votre argent à ceux qui osent dénaturer ainsi une franchise. Car comment ose-t-on appeler cela un film sur Conan ? Comment ose-t-on même appeler cela du cinéma ? Alors que l’on se croirait devant un téléfilm merdique de M6 !
Faut-il supporter une telle nullité pour « faire connaître » le personnage et « améliorer peu à peu » son image ? Risible. Et surtout c’est raté pour l’image. Dans l’esprit du grand public Conan va retourner dare-dare au rayon « daube pour bourrin décérébrés », malgré tous les efforts réalisés depuis des années par ceux qui aiment Howard et ses travaux.
C’est est assez de ce diktat de certaines sociétés qui prétendent posséder les droits sur l’œuvre de Howard à grand coup de bluff ! Si le personnage est certes protégé par Pognon Inc., la majorité des nouvelles de Howard est dans le domaine publique depuis de nombreuses années. Et si une histoire est libre, les personnages, tant qu’il restent à l’intérieur de celle-ci, le sont aussi, à ce que je sache. Nos amis d’outre atlantique vont-ils faire un procès à tous ceux qui portent le nom de Conan ? (Je vis en Bretagne et il y en a un à chaque coin de rue). Et surtout malgré son gros logo métallique, zébré d’un éclair en début de film, Paradox a montré qu’elle n’était pas digne de Robert Howard en laissant produire une telle daube.
Au moment où je me connectais pour mettre l’article en ligne, la Poste me livrait l’affiche du court métrage de Douglas Sunlin, The Frost Giant Daughter, un projet amateur, au budget minuscule obtenu via souscription, et se voulant fidèle au texte original. Un signe de Crom ?
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