Le premier site français sur Robert E. Howard

Accueil > Cinéma > Conan le barbare, le film (1ère partie)

Conan le barbare, le film (1ère partie)


Du sang et du celluloïd

lundi 26 décembre 2005, par Chrysagon

Conan le barbare, sorti en France en 1982, a fait plus que lancer Arnold Schwarzenegger au rang de vedette mondiale. Ce film a imposé un style, une vision réaliste de l’heroïc fantasy, jamais égalée jusqu’à maintenant. Retour sur la gestation et l’accouchement de cette oeuvre.

La génèse du projet

Edward Pressman et Edward Summer sont à l’origine du projet. Après avoir visionné "Pumping Iron" Pressman réalise que Schwarzenegger pourrait tenir le rôle titre dans un film d’action, et c’est Ed Summer qui pense tout de suite à Conan. Une fois contacté Schwarzenergger s’avère intéressé ; il faut maintenant monter le projet. Un premier scénario est écrit par Ed Summer et Roy Thomas (scénariste des Marvels), puis un second par Oliver Stone apparemment plus orienté vers un Conan combattant des monstres et des mutants. Stone avait également l’idée de faire revenir Conan régulièrement au cinéma, comme James Bond.
Alan Parker et Ridley Scott sont approchés mais sans pouvoir trouver de montage financier, Stone et Pressman décident

JPEG - 52.4 ko
Arnold Schwarzenegger incarne Conan

finalement de vendre leurs droits à Dino de Laurentiis qui accepte. Pour monter le film avec Universal, qui le juge trop violent, on demande une réécriture au réalisateur choisi : John Milius, remarqué pour son "Le lion et le vent" avec Sean Connery en 1975, mais aussi co-scénariste d’"Apocalypse now" et co-auteur de "L’inspecteur Harry".

Melting-Pot :

JPEG - 18.2 ko
Schwarzenegger et Milius sur le tournage

Milius avoue qu’il ne connaissait guère l’univers d’Howard avant de se lancer dans la préparation du film, hormis par les peintures de Frazetta. Il se plongea dans la lecture de toutes les aventures de Conan. Des artistes furent engagés afin de créer visuellement le monde hyborien, principalement à l’intention des studios qu’il fallait encore convaincre. C’est Ron Cobb le directeur artistique qui sera le maître d’oeuvre de cet accouchement visuel dont le fruit reste encore très puissant après plus de 20 ans. Avec l’aide de William Stout, ils créent un univers cohérent dans ses

JPEG - 51.6 ko
Concept pour la Montagne du Pouvoir

moindres détails, réinventant des architectures entières et créant des accessoires empruntant aux styles mongols et vikings. Le symbole du dieu serpent Set a été pensé comme le logo d’une entreprise et décliné sur les différents supports : pierre, boucliers, armes, bannières, etc... C’est Ron Cobb qui dessinera également les deux épées du film.
Avec la réécriture par Milius, le film s’oriente vers plus d’action et moins de magie, s’éloignant en cela des comics et se rapprochant des récits d’Howard, mais avec toutefois une vision très personnelle de Milius qui rêvait de réaliser un film de vikings.

L’équipe

Bien qu’Arnold Schwarzeneger ne fut pas vraiment au goût de Dino de Laurentiis, le casting se poursuivit avec Sandhal Bergman et Gery Lopez (surfeur ami de Milius) pour interprèter Valeria et Subotaï les deux comparses de Conan dans le film. James Earl Jones fut choisi pour incarner

JPEG - 39 ko
Gerry Lopez incarne Subotaï

Thulsa Doom, le dernier représentant de sa race, il fut secondé par le culturiste Sven Ole Thorsen et le footballeur Ben Davidson. Max Von Sydow interprèta le roi Osric de Zamora, et la française Valerie Quenessen sa fille. Pour incarner le truculent magicien, on choisi Mako Iwamatsu, cofondateur de la compagnie théatrale East-West Players de Californie. C’est sa voix que l’on entend au début, et à quelques reprises durant le film. Milius voulais faire raconter ses exploits par Conan lui même, mais devant l’accent autrichien prononcé de Schwarzenegger, les studios s’y opposèrent.
John Milius interprètera un vendeur de lézards grillés dans une scène qui sera

JPEG - 50.5 ko
Sandahl Bergman incarne Valeria

coupée au montage. Par contre le vendeur de lotus noir incarné par Ron Cobb a été conservé.
Terry Leonard est engagé comme expert en cascades ainsi et le maître d’armes Kiyoshi Yamazaki. Ce dernier, qu’on entrevoit dans le rôle d’un maître d’armes du Kithaï dans le film, va créer un style très particulier de combat en intègrant les mouvements souples des chorégraphies du sabre japonais au maniement des armes lourdes du monde hyborien.

JPEG - 35.6 ko
Thulsa Doom

Tandis que les acteurs se préparent physiquement de façon intense en pratiquant quotidiennement plusieurs heures d’équitation, de gymnastique et d’escrime, la productrice Rafaella de Laurentiis commence les repèrages en compagnie de Cobb. La Yougoslavie est d’abord envisagée avant que son climat politique ne se dégrade à la mort de Tito. Le projet est repoussé de 6 mois et finalement tourné en Espagne dans la région d’Avila (roue de la douleur), les formations rocheuses de Cuenca (maison de la sorcière) et les dunes d’Almeria (Sanctuaire d’Akiro).

Tournage

JPEG - 33.5 ko
L’arbre du Malheur

Arnold Schwarzenegger reçoit ses premiers points de suture avant midi le pemier jour de tournage en tombant du tertre dans lequel Conan se réfugie alors qu’il est poursuivit par les loups. L’un des chiens qui l’a attrapé par sa cape réussit à le faire tomber, le dresseur le retint avant qu’il ne s’en prenne à lui. Sandhal Bergman aura plus tard un doigt entaillé lors d’une scène de combat, il sera heureusement recousu. Arnold Schwarzenegger se blesse plus tard à la jambe, comme on peu le voir à la façon dont il boîte en descendant du tumulus sur lequel il vient de mettre feu à la dépouille de Valeria.

JPEG - 18.9 ko
Une scène réalisée par Ron Cobb, supprimée du montage final

Ron Cobb dirige le tournage de plusieurs scènes notamment l’introduction du film dans laquelle on assiste à la création de l’épée du père de Conan dans la lumière orangée de la forge (Note technique : on voit le métal liquide s’écouler dans un moule à la forme de l’épée. Si c’était le cas on obtiendrait une épée en fonte et non en acier. Ces dernières sont forgées par chauffe et martelage).

JPEG - 37.8 ko
Conan en facheuse posture

A cette époque l’industrie cinématographique ne dispose pas d’effets numériques. L’animatronique, c’est à dire l’animation de robots à distance, permet de générer les créatures comme le serpent géant et le vautour qui "grignote" Conan lors de sa crucifixion. La transformation de Thulsa Doom en serpent se fait par déformation d’un masque en latex sur une armature mécanique.

Musique

JPEG - 38.7 ko
Valérie Quenessen incarne la princesse

Ennio Morricone est envisagé au départ mais John Milius insiste pour travailler avec son ancien camarade d’études cinématographiques, Basil Poledouris, qui a déja collaboré sur son film Big Wednesday. Poledouris parvient à composer un véritable opéra barbare qui évoque sans conteste l’antiquité (et non le moyen-âge) lors des nombreuses scenes visuelles dénuées de dialogues. Son aspect proto-historique, aux antipodes des meilleurs thèmes d’un Miklos Rozsa (compositeurs pour les plus grands péplums des années 60) reste à ce jour la meilleure musique jamais composée pour un film d’action.

Sortie

JPEG - 70.1 ko
La cour du roi Osric

Le film fut interdit au moins de 17 ans aux USA en raison des scènes de combat assez sanglantes. Pour l’avant première à Las Vegas, la foule faisant la queue est si importante, que des salles supplémentaires furent ouvertes ! Le film fut relativement "descendu" par la critique américaine. Milius, dont la réputation n’est pas des meilleures, est enfoncé encore un peu plus. Mais le succés en salle est au rendez vous, et ce dans le monde entier. Le film, qui sort en 1982 en France, a permis à Schwarzenegger d’accéder au rang de vedette du cinéma, et marque le départ de sa carrière.

Critique ?

Beaucoup reprochent à Milius ce qu’ils ont pris pour une trahison. En effet aucune histoire d’Howard ne sert de base à son récit, hormis quelques éléments anecdotiques, comme la tombe du guerrier inspirée de l’Horreur dans la crypte, la tour de Set inspirée de La tour de L’éléphant, ou la scène de crucifixion tirée d’Une sorcière viendra au monde. Milius à absorbé le monde et le personnage pour se les approprier. Certains aspects sont même en contradiction avec le personnage d’Howard comme sa captivité sur la Roue de la Douleur. En effet, un cimmérien serait mort en tentant de s’enfuir. Bref ce n’est pas tout à fait le Conan de Howard, mais plutôt le Conan de Milius. Une phrase du philosophe allemand Nietzsche est citée en exergue au générique d’entrée : ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Le parrallèle entre Howard et Nietzsche s’établit rapidement lorsqu’on sait que pour le philosophe, c’est la volonté qui est le principe du monde. Une morale que Milius a utilisé comme fil conducteur de son film : l’histoire d’une vengeance.

JPEG - 57.3 ko
C’est la femme de ménage qui ne va pas être contente !

Toutefois on ne peut pas suivre les critiques acerbes de certains puristes qui discréditent complètement ce film. Conan le barbare, est l’un des films les plus forts visuellement des années 80. Sa réalisation et sa direction en font aujoud’hui encore un modèle d’école qui pourrait en remontrer à beaucoup d’adeptes de "matrixeries". La composition des scenes de combats, extrèmements travaillées, est parmi les meilleures ; surtout si on la compare aux plans sérrés utilisés aujourd’hui pour masquer l’absence de chorégraphie. Le travail réalisé sur les décors et les accessoires est lui aussi un exemple encore aujourd’hui. Quelques trouvailles graphiques comme le camouflage corporel sont toujours aussi efficaces.
On peut ne pas apprécier les changements apportés au personnage par Milius, mais force est de saluer sa présentation du monde hyborien, qui ne fut jamais égalée dans les productions suivantes. Les succès actuels du box-office seront-ils toujours aussi crédibles dans 20 ans ?

Extraits :

Bande annonce (Format QuickTime 18 Mo)

Rencontre avec Subotaï (Format QuickTime 9 Mo)

Article suivant : Milius le Barbare