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Poème : Ce qui ne sera guère compris

mercredi 28 décembre 2005, par Robert E. Howard

Which will scarcely be understood

Small poets sing of little, foolish things,
As more befitting to a shallow brain
That dreams not of the pre-Atlantean kings,
Nor launches on that dark uncharted Main
That holds grin islands and unholy tides,
Where many a black mysterious secret hides.

True rime concerns her not with bursting buds,
The chirping bird, the lifting of a rose -
Save ebon blooms that swell in ghastly woods,
Ans that grim, voiceless bird that ever broods
Where through black boughs a wind of horror blows.

Oh, little singers, what know you of those
Ungodly, slimy shapes that glide and crawl
Out of unrechoned gulfs when midnights fall,
To haunt yhe poet's slumbering, and close
Against his eyes thrust up their hissing head,
And mock him with their eyes so serpent-red?

Conceived and bred in blachened pits of hell,
The poems comme that set the stars on fire ;
Born of black maggots writhing in a shell
Men call a poet's skull - an iron bell
Filled up with burning mist and golden mire.


The royal purple is a moldy shroud ;
The laurel crown is cypress fixed with thorns ;
The sword of fame, a sickle notched and dull ;
The face of beauty is a grinning skull ;
And ever in their souls' red caverns loud
The rattle of the cloven hoofs and horns.

The poets know that justice is a lie,
That good and light are baubles filled with dust -
This world's slave-market where swine sell and buy,
This shambles where the howling cattle die,
Has blinded not their eyes with lies and lust.

Ring up the demons from the lower Pit,
Since Evil conquers goodness in the end ;
Break down the Door and let the fire be lit,
And greet each slavering monster as a friend.

Let obscene shapes of Darkness ride the earth,
Let sacrificial smokes blot out the skies,
Let dying virgins glut the Black Gods'eyes,
And all the world resound with noisome mirth.

Break down the altars, let the streets run red,
Tramp down the race into the crawling slime ;
Then where red Chaos lifts her serpent head,
The Fiend be praised, we'll pen the perfect rime.


Ce qui ne sera guère compris

Les poètes mineurs chantent de petites choses insignifiantes,
Comme il sied à un esprit peu profond
Qui ne rêve pas des rois pré-Atlantes,
Ou ne s'aventure pas sur ce sombre Océan inexploré
Qui abrite de sinistres îles et des courants impies,
Où nombre de secrets noirs et mystérieux sont tapis.

La véritable poésie ne traite pas de boutons qui éclosent,
De l'oiseau qui gazouille, de l'épanouissement d'une rose -
Sauf les fleurs noires comme l'ébène et boursouflées dans des bois lugubres,
Et cet oiseau sinistre et sans voix qui éternellement médite
Là où souffle un vent d'horreur parmi de sombres rameaux

Oh, petits chanteurs que savez-vous
De ces formes impies et visqueuses qui se glissent et rampent
Hors d'abîmes insoupçonnés lorsque sonne la mi-nuit,
Pour tourmenter le sommeil du poète, et tout près de ses yeux
Approchent et dressent leurs têtes sifflantes,
Pour se moquer de lui de leurs yeux rouges de serpents hideux?

Conçus et nourris dans les puits enténébrés de l'enfer,
Sont les poèmes qui embrasent les étoiles ;
Nés de noirs asticots grouillant dans une coquille
Que les hommes appellent le crâne d'un poète - une cloche d'airain
Remplie jusqu'au bord d'une brume ardente et d'une fange dorée.

La pourpre royale est un linceul moisi ;
La couronne de lauriers un voile de deuil garni d'épines ;
L'épée de la renommée, une faucille ébréchée et ternie ;
Le visage de la beauté est un crâne grimaçant ;
Et toujours dans les cavernes rouges de l'âme des poètes
Résonne le fracas de sabots fourchus et de cornes.


Les poètes savent que la justice est un mensonge,
Que le bien et la lumière sont des babioles remplies de poussière -
Ce monde, un marché aux esclaves où des porcs vendent et achètent,
Un abattoir où le bétail est égorgé et meurt en beuglant,
N'a pas ébloui leurs yeux par des mensonges et de vains désirs.

Invoquez les démons de la Fosse d'en bas,
Puisque le Mal l'emportera finalement sur le Bien ;
Enfoncez la Porte et allumez les feux,
Et accueillez chaque monstre ruisselant de bave comme un ami.

Que les formes obscènes des Ténèbres déferlent sur la terre,
Que les fumées des sacrifices occultent les cieux,
Que des vierges agonisantes repaissent les yeux des Dieux Noirs,
Et que le monde entier retentisse d'une joie délétère.

Détruisez les autels, que des flots rouges coulent dans les rues,
Piétinez la race dans la fange gluante ;
Alors, là où le rouge Chaos dressera sa tête ophidienne,

Le Malin soit loué, nous aurons écrit le poème parfait.


Traduction de François Truchaud in Chants de guerre et de Mort, Néo, 1987