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A Rhyme of Salem Town and other Poems

lundi 12 mars 2007, par Simon Sanahujas

A Rhyme of Salem Town and Other Poems
Robert Ervin Howard
The Robert E. Howard Foundation
Moyen format - 184 pages reliées avec jacket

En tant qu’artiste, Robert Ervin Howard possédait deux facettes distinctes : l’écrivain et le poète. L’essentiel, voire la totalité, de son œuvre en prose était destinée à la publication et, à ce titre, s’accommodait des différentes lignes éditoriales en vigueur parmi les pulps de l’époque. Au contraire, la poésie relevait plus pour Howard d’un besoin personnel. Il s’adonna à cette forme durant toute sa vie et, sur les quelques 700 poèmes qu’il écrivit, seules quelques dizaines furent publiées de son vivant. La poésie est certainement le domaine de prédilection de Robert E. Howard, qui affectionnait tout particulièrement sa concision et toutes les émotions et la force qu’elle permet de faire transparaître en quelques lignes. N’étant la plupart du temps pas destinée à la publication, son œuvre en vers ne souffrit d’aucune restriction et les thèmes abordés sont personnels, jamais censurés, et reflètent ainsi de beaucoup plus prêt les idées du rêveur de Cross Plains. Dans les poèmes de Howard transparaît la quintessence de l’auteur, ils sont une manière de se plonger en profondeur dans l’âme du texan, et ainsi d’en découvrir explicitement tout ce que sa prose ne laissait qu’entrevoir.


A Rhyme of Salem Town and Other Poems comporte pas moins de 124 poèmes introuvables ou inédits à ce jour, ainsi qu’une courte introduction de Paul Herman dans laquelle il revient sans s’étendre sur la place de la poésie dans l’œuvre de Howard et le contenu de ce recueil. Car si ces poèmes n’ont pour la plupart jamais été publiés à ce jour, ce n’est absolument pas parcequ’ils sont moins intéressants que les autres, mais bien parce qu’ils sont beaucoup plus crus et directs, peut-être plus à même de choquer le lecteur. Comme le dit Paul Herman, la plupart des lecteurs de Howard sont fort surpris par l’univers qu’ils découvrent dans sa poésie ; un univers plus sauvage et, au final, un condensé de l’auteur.
Les poèmes proposés ici sont rassemblés en plusieurs parties. La première concerne les œuvres traitant de la société, de la civilisation et de l’espèce humaine en général. Robert E. Howard y évoque également ses écrits et la façon, notamment, dont il conçoit la poésie. A mon sens, il s’agit là des plus intéressants. Parmi eux, le lecteur découvrira avec plaisir plusieurs petits bijoux tels « To Moderns », « Echoes from Anvil », « Another Hymn of Hate » (un poème étonnant dans lequel Howard libère son fiel sur les pulps qui lui retournent ses manuscrits), « Mankind », « The Rulers » (un pamphlet savoureux sur les politiciens et leurs promesses irréelles, un texte qui nous rappelle combien Howard s’intéressait à la politique)...
Suit une longue série de poèmes historiques qui s’étendent de l’antiquité jusqu’à la première Guerre Mondiale, en passant par l’Irlande, les Vikings, des poèmes orientales et d’autres d’ambiance Western. A noter ici plusieurs longs poèmes narratifs, tel « Eric of Norway » qui narre la fin du fameux Eric le Rouge en pas moins de 219 vers. Babylone revient régulièrement, mais aussi les dieux carthaginois, la Rome Antique... Ici, certains poèmes font directement penser aux travaux de Leconte de Lisle dans ses recueils Poèmes Barbares et Poèmes Antiques. Suivent encore plusieurs poèmes fantastiques, des poèmes descriptifs comprenant un bel échantillon consacré à la mer, cette entité qui fascina énormément le Texan. On trouvera enfin quelques poèmes sur la boxe, l’Afrique et d’autres qui ne pouvaient rentrer dans aucune de ces parties. A noter un poème consacré au personnage de Zorro et un autre - « Yesterdays » - qui évoque un thème cher à Howard, celui de la réincarnation et des vies antérieures.
Parmi ces 124 inédits se trouvent donc plusieurs joyaux, mais aussi quelques poèmes assez mauvais dont on comprend aisément qu’ils n’aient pas été publiés auparavant (« When I was in Africa » par exemple). Un petit reproche pour finir : en parcourant A Rhyme of Salem Town, on ne peut s’empêcher de rester sur sa faim quant à la façon dont sont présentés et agencés les textes. En effet, outre la très brève introduction de Paul Herman, nous ne disposons d’aucune information, note ou n’importe quel type de précision. Par exemple, certains poèmes sont inachevés ou bien des parties de leurs manuscrits ont été perdues, et c’est au lecteur de faire le tri car très peu d’indications, voire aucune, ne nous sont données à ce niveau. Autre exemple : « To Moderns » semble être une première version de « Which Will Scarcely be Understood », le thème est similaire et plusieurs vers sont pratiquement identiques. Il aurait été intéressant de nous donner quelques dates d’écriture ou d’évoquer cela afin que le lecteur s’y retrouve plus facilement. En fait, il manque à ce recueil quelques notes de bas de page qui l’aurait amené à la perfection, détail d’autant plus dommageable qu’on sait que la Fondation REH est dirigée par plusieurs des meilleurs spécialistes howardiens du moment.
Mais ce reproche reste minime, A Rhyme of Salem Town and Other Poems est un recueil fascinant, une porte grande ouverte sur l’âme de Robert E. Howard, sur ses mondes étranges et ses souvenirs d’autres vies. Cet ouvrage est une excellente manière de découvrir cette facette méconnue du talent gigantesque de Howard, une œuvre sauvage, libérée, déchaînée pourrait-on dire dans son sens premier, dans laquelle notre auteur fit preuve d’un génie remarquable.