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Civilized Men

jeudi 18 mai 2006, par Chrysagon

Lors du très intéressant festival des Imaginales qui s’est déroulé le week-end dernier à Epinal (du 11 au 14 mai), un débat a été organisé sous forme de café littéraire sur le sujet "Conan, le prince des machos a 100 ans". Il semblerait que ce ne soit pas seulement de café que se soient abreuvés les participants tant le niveau, hormis pour l’un d’eux, fut bas !

Etaient présents Henri Lœvenbruck, Eric Wietzel, Pierre Pelot et Stephane Marsan avec en Guest Star Emmanuel Collot, le débat étant animé par Stéphanie Nicot.
La discussion commença sur les chapeaux de roues, sans aucune définition préalable du terme "macho", grâce à Pierre Pelot qui s’avoua surpris d’être invité à un débat sur Howard, lui qui clame n’avoir lu qu’un seul livre de Conan avant sa rédaction du fameux Konnar le Barbant. Mais il fait finalement office de spécialiste puisque certains des autres débatteurs comme Lœvenbruck avouent n’en avoir lu aucun, ni même une seule ligne de Howard ! Seul Stéphane Marsan, directeur d’édition chez Bragelonne, relève le niveau en mettant en avant l’impact des écrits de Howard chez de nombreux auteurs français actuels, en lui reconnaissant une grande force visuelle. Les autres participants semblent cantonnés à la lecture biblique de Tolkien qui a plombé la fantasy française et même les choix de traductions en français pendant de nombreuses années.

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Conan a 100 ans ? C’est pas Howard plutôt ?...

Dans une intervention surprise, Emmanuel Collot a tenté d’expliquer l’image actuelle de Conan par le mercantilisme de Sprague de Camp et de Lin Carter. Il s’est ensuite enlisé dans des clichés du "culte du blanc", d’aryen, de psychanalyse, d’image du père, avec une pseudo filiation du personnage de James Allison à celui de Conan assez discutable, et surtout incompréhensible aux profanes.
Pierre Pelot a ensuite relayé toutes les idées reçues sur le personnage de Conan "macho", "aux idées arrêtées", "cerveau au ras du menton" et "on vainc toutes les épreuves" confirmant par la même sa réelle ignorance des textes de Howard. Il regrette l’image de l’Heroïc-fantasy donnée dans les années soixante-dix, qui l’a conduit à écrire son fameux pastiche.
Le plus amusant fut l’intervention d’Henri Lœvenbruck qui, avec un air faussement désolé et un instant de silence dramatique savamment dosé, associe Howard avec Céline et Sacha Guitry (l’un collabo et l’autre anti-sémite notoire). "Au bout d’un moment, j’ai plus envie..." nous confie-t-il, oubliant certainement qu’il a avoué n’avoir jamais ouvert un livre de Howard vingt minutes auparavant ! Grâce à un nombre élévé de phrases commençant par "Moi je..." il nous narre comment il a été objecteur de conscience et aussi comme il est contre les armes, et comme ses deux trilogies n’ont qu’un but "se débarasser de Conan" car il est très fleur bleue lui-même...
Eric Wietzel insiste à juste titre sur l’effet désastreux de l’action de Sprague de Camp et donc sur le fait que c’est par une image déformée que l’on appréhende Howard.

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Pierre Pelot

Stéphane Marsan a rappelé judicieusement que c’est aussi en opposition aux anciens auteurs que les nouveaux peuvent construire de nouvelles oeuvres et faire ainsi avancer la fantasy (Mais pour cela il faut avoir lu les anciens, Henri !). Stéphane Marsan insiste sur le fait que la France à tendance à ignorer les grands classiques de la fantasy (il cite Shannara et Princess Bride) alors que tous les autres pays les traduisent. Et c’est justement cet état d’esprit dédaigneux et étroit que Lœvenbruck semble revendiquer sous des airs de rosière. Seul Marsan a compris la construction des récits de Howard, leur structure narrative, son utilisation en filigrane des mythes anciens. Il est visiblement le seul a l’avoir lu et compris.
Bref vous l’avez compris un faux débat hors sujet qui dura 42 minutes, et dont seulement 15 environ furent consacrées à Howard et on a vu comment. Le reste ne fut qu’auto promotion nombriliste.

Que dire de ce genre de prestation ? Hormis le fait qu’elle était nettement en dessous de la qualité habituelle du reste du festival ?
On attendait une étude des personnages feminins dans les nouvelles de Conan, du comportement du barbare envers elles... Rien de tout cela.

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Stéphanie Nicot et Stéphane Marsan

On a assisté à un faux débat, d’habitude réservé aux médias télévisuels, dans lesquels tout est dit d’avance. Pas de surprise, on sait très bien ce que chacun va dire. Peut importe car on est là pour se mettre en avant, vendre sa copie (Un peu de provocation ne nuit pas au marketing, c’est bien connu !) Et il est tellement facile de dénigrer un auteur disparu depuis soixante dix ans.
Que penser de cet auto-cloisonnement dans des préjugés si basiques qu’ils en deviennent ridicules ( Howard hyper raciste, psychopathe, enfant martyrisé ? Encore plus drole : l’anti-militarisme primaire) ? Un mépris de l’autre ? Un refus de comprendre ? Un gauchisme nunuche ? Une Howardophobie (j’ai le droit de rire aussi non) ? Le préjugé étant le fondement même du racisme, n’avons nous pas eu droit ici finalement à l’étalage d’une forme de machisme intellectuel ?

Messieurs les gens intelligents qui écrivez des livres, soyez gentils, préparez votre travail. Avant de participer à un débat sur n’importe quel sujet, potassez le un peu. Cela s’appelle l’honneteté intellectuelle et le professionnalisme.

Je vous souhaite que dans soixante-dix ans des gens se réunissent autour d’une table pour évoquer vos livres à l’autre bout du monde. Mais avant de critiquer un auteur, pilier de la fantasy, ayez la décence d’ouvrir ses livres au lieu de relayer de ridicules préjugés de salon de coiffure (Lœvenbruck en sortait justement).

Je terminerai en citant Howard : Civilized men are more discourteous than savages because they know they can be impolite without having their skulls split, as a general thing.

Tower Of The Elephant

PS : quelqu’un a l’adresse de Lœvenbruck ? J’aimerai lui envoyer un exemplaire d’un livre de Howard de la part des Chroniques Némédiennes !